TRANSCRIPTION
– Daniel Bilalian: La France n’est malheureusement pas à l’écart de ces problèmes posés par les réseaux pédophiles. Un jeune homme de 26 ans, Samir, vient de raconter sa terrible histoire dans un livre qui vient de paraître. Dès l’âge de 12 ans à Paris, il a été victime d’une secte satanique, torturé puis violenté pendant près d’une dizaine d’années…
– Voix off: Lorsqu’il avait à emprunter ce couloir, Samir savait que l’horreur était au bout. À l’époque il n’avait que 12 ans, mais depuis un an déjà il subissait dans sa chair les fantasmes de véritables bourreaux. Viols répétés, séances de tortures, ici en plein Paris, rien ne lui a été épargné. Et la vie de cet enfant martyr plonge encore un peu plus loin dans le délire, aux viols s’ajoutent de véritables séances de tortures et de barbarie.
– Samir: Oui c’était là… Ils m’ont amené ici, ils m’ont attaché, ils m’ont mis des menottes et ils m’ont mis des produits dessus…
– Journaliste: Quel type de produits ?
– S: D’après le médecin, c’était de l’acide.
– Voix off: Brûlé à l’acide par les chefs de la secte, un groupuscule d’une vingtaine de personnes dénommé « Alliance Kripten ». Samir, comme d’autres enfants, en est devenu le jouet. Un jouet mutilé
sur 2500 cm carré de peau…
– S: Ils ne pouvaient pas vivre sans torturer des enfants. Au départ ça se passait par des rituels, par des cérémonies et après ça finissait en orgies… ça finissait par des actes sexuels… Et puis il fallait faire l’amour avec des adultes quoi…
– J: Plusieurs adultes ?
– S: Oui.
– J: Il y avait plusieurs enfants ?
– S: Oui il y avait plusieurs enfants…
– Voix off: Le regard fixe, Samir porte encore les stigmates de ses souffrances physiques et morales. Mardi dernier, accompagné de son ami Willy qui l’a sorti de son calvaire, Samir a déposé plainte contre deux membres de l’Alliance Kripten. Ce calvaire qui aurait pourtant pu être interrompu. Entre 1986 et 1988, soit deux ans après les premiers viols, la brigade de protection des mineurs a eu connaissance de son cas par l’intermédiaire d’affaires impliquant d’autres enfants. L’avocat de Samir, Maître Jean-Paul Baduel dispose aujourd’hui de pièces qui en attestent.
– Jean Paul Baduel: Il y a des éléments qui sont des éléments incontournables, ce sont les séquelles que porte mon client sur son corps. Il y a des éléments qui sont des éléments objectifs, ce sont des photocopies de pièces qui m’ont été communiquées par mon client qui démontrent qu’au cours des années 1986, 1987, voir 1988, les autorités de police qui ont été en charge de la protection des mineurs, voir des magistrats, ont été pleinement informés de l’existence d’un groupe appelé « Kripten » et de la conduite de ses membres à l’égard de certains mineurs.
Il ne s’agit pas ici d’un roman, c’est ce qu’a vécu Samir Aouchiche dans son enfance. En 1997, le J.T. de France 2 a consacré un court reportage sur cette affaire. (une vidéo à visionner avant de lire cet extrait)
Voici un passage qui relate le déroulement d’une cérémonie de la secte « Alliance Kripten ». Il s’agit d’abus rituels sur des enfants qui se déroulent en plein coeur de Paris dans les sous-sols de la gare Saint-Lazare… ce qui rappelle vaguement les témoignages de deux enfants dans le désormais tristement célèbre reportage « Viols d’enfants, la fin du silence » (2000)
(La cérémonie d’alliance, p.66 à 71)
– Pourtant, Samir ne s’est pas trompé : quelques minutes plus tard, tous les trois descendent dans les sous-sols de la gare pour gagner la salle de tai-chi-chuan. Mais là, rien n’est comme d’habitude. À l’entrée du couloir qui mène à la salle, deux hommes au crâne rasé, vêtus comme des skinheads mais en plus propres, fouillent tout le monde. Lorsque Pröhne arrive devant eux, ils claquent des talons et font une caricature de salut nazi. Steelarow se mord les lèvres lorsque, sans ménagement, les deux brutes le fouillent. Un peu comme s’il s’attendait à recevoir des coups… Une fois leur « palpation » terminée, ils se tournent vers Pröhne.
« Et le petit Beur, on le tartine ou on le fouille ? » Pröhne et les deux cerbères éclatent de rire…
Enfin, ils arrivent dans la salle. Là encore, le décor a changé. Les murs sont maintenant tendus de tissu noir, les néons sont éteints et des halogènes éclairent la pièce indirectement. Un immense triangle mauve est dessiné sur le sol, et une sorte de damier a été posé en son centre. De chaque côté du triangle, deux espèces de colonnes d’environ deux mètres se dressent tels des obélisques. L’une est noire et blanche, l’autre rouge et verte. Au fond de la pièce, face à l’entrée, sur une sorte d’estrade encadrée de quatre candélabres, deux gros fauteuils rouge et or semblent attendre un couple royal d’opérette.
Cinq à six enfants sont là, certains visiblement accompagnés de leur père ou de personnes qui leurs sont proches. Un petit garçon d’environ six ans qui refusait de lâcher la main de son père reçoit une gifle monumentale qui l’envoie rouler au sol sous les rires des adultes, visiblement ravis par le spectacle de ce garçonnet à moitié assommé. Steelarow oblige Samir, effrayé par la violence de la scène, à s’asseoir avec ses deux gagneuses, qui, elles, n’arrêtent pas de rire. Immédiatement, les adolescentes commencent à taquiner Samir en le frappant du bout des doigts, un peu partout sur les fesses, sur la tête… Samir se protège comme il le peut… Ses cicatrices lui font encore mal.
Mais les filles se lassent vite de leur jouet et ne tardent pas à s’arrêter. Peut-être viennent-elles de se rappeler que Samir avait des pansements il y a encore peu.
Samir n’en croit pas ses yeux ! Les adultes sont vêtus de façon singulière. La plupart portent de grandes saies blanches, certaines sont vert et rouge. D’autres sont tout habillés de cuir, ce qui est le cas d’Ondathom, que Samir vient de voir passer devant lui. D’autres sont torse nu mais portent un masque. Ils sont une vingtaine en tout à arborer des tenues hétéroclites. Tous sont agglutinés près de la petite pièce attenante à la salle. En l’occurrence, elle semble servir de vestiaire, car les hommes et les femmes en sortent tous avec une tenue plus ou moins bizarre, alors qu’ils y étaient entrés en tenue de ville. Ajouilark est là aussi, drapé dans une saie rouge. Sur sa poitrine est dessiné un énorme triangle mauve bordé de noir et surmonté d’une croix blanche. Son visage est masqué, mais Samir connaît trop bien ses yeux pour ne pas le reconnaître. Ajouilark attrape Steelarow et lui désigne une grosse coupe en métal. Avec ce calice, le jeune homme fait le tour des participants, afin que chacun y dépose une grosse liasse de billets. Samir n’a jamais vu autant d’argent. Les gagneuses à côté de lui, le chahutent à nouveau.
– Tu vois tout ce blé, mon petit Smir ? Tu sais pourquoi c’est faire ?
– Non !
– C’est pour préparer les vaisseaux spatiaux qui vont tous nous emmener sur Uranus ! Ce soir, ce qu’on va faire, c’est un peu comme un gala de bienfaisance !
Les deux adolescentes éclatent d’un rire nerveux et strident, mais Samir ne les écoute plus. Dans la petite salle où les adultes revêtent leur costume de cérémonie, quelqu’un parle. Quelqu’un qu’il ne voit pas, mais cette voix domine l’assemblée, s’impose, et petit à petit tous l’écoutent.
« Honte ! Honte ! Le pasteur Doussaide vous a dit qu’il avait honte ! Mais il s’est fichu de vous, cher maître. Il fornique toujours à tour de bras entre Paris et Marseille à toutes les cérémonies où je l’invite. Ne me faites pas rire. Il s’est fichu de vous, voilà tout !… »
Samir vient de reconnaître cette voix ; c’est la même qui tous les matins, lui donne des ordres. Tout à coup, la voix a un visage. La femme qui parle avec autant d’assurance sort du vestiaire et marche droit sur Samir. Elle porte la même tenue qu’Ajouilark, elle est blonde, âgée d’un peu plus de quarante ans, et un nuage de parfum lourd et sucré l’entoure. L’odeur ecoeure Samir. Immédiatement, les deux gagneuses se mettent à genoux, tandis qu’un coup de pied brutal dans la chaise de Samir et un aboiement l’obligent à faire de même :
« À genoux devant l’empereur ! »
Dans l’assemblée, quelques personnes gloussent de cette rhétorique digne d’un mauvais péplum hollywoodien. Mais l’Empereur reste digne.
« Alors te voilà ! Un grand chemin nous attend, mon petit Smir. Tu le ne sais pas encore, mais le plaisir et la joie seront bientôt pour toi choses quotidiennes. Déjà, ils sont nombreux ceux qui te réclament et auprès de qui nous allons t’envoyer comme messie ! »
Une musique de messe retentit et l' »Empereur », suivie du commandeur, se dirige vers l’estrade. Pendant ce temps, Steerlarow s’affaire et prépare sur des plateaux d’argent de grandes lignes de ce que Samir apprendra plus tard être de la cocaïne. Ondathom saisit le bras de Samir pour le guider, avec les gagneuses et les autres enfants, devant l’estrade, où tous se mettent en rang. Les adultes se répartissent, avec une sorte de bonne humeur grivoise, sur les côtés du triangle, face aux colonnes et à l’estrade. Pröhne, qui un instant s’était absenté, revient avec son chien et l’attache à la poignée de la porte de sortie. Pendant que les plateaux passent dans l’assistance, Ondathom et le Chinois déshabillent sans ménagement les enfants. Certains sanglotent, d’autres se protègent le visage comme s’ils s’attendaient à recevoir des coups d’un instant à l’autre. Une fois que tout semble en ordre, le Chinois va se placer à la droite de l’estrade et Ondathom à sa gauche. Les conversations vont bon train : un homme qui porte un masque rouge se déclare sensible aux fesses de Samir, une femme habillée d’une saie blanche n’a déloges que pour les gagneuses de Steerlarow…
L’Empereur lève les bras et, sur un ton pathétique, exhorte ses ouailles au silence.
« Ave, mes frères ! Ave ! »
Dans un mouvement d’ensemble à peu près réussi, tous lèvent le bras et saluent à la romaine.
« Saluons le triangle symbole de notre ordre, saluons la swastika, éternel soleil qui régénère nos âmes, saluons les forces secrètes qui, dans la nuit, marchent à nos côtés. »
Tous hurlent « Ave ! » en levant le bras. Ondathom et le Chinois ont fait s’agenouiller les enfants. L’Empereur reprend :
« Ils voudraient nous voir renoncer. Ils veulent notre destruction, que nous abandonnions devant leur moral. Mais nous ne cèderons pas ! Nous sommes le coeur, l’ultime cercle qui fera renaître le vrai monde, celui des hommes libres, celui de la race des seigneurs. Leur morale chrétienne est celle des sous-hommes, alors je vous invite, ce soir encore, à célébrer notre alliance avec les forces qui finiront par nous donner la victoire… Ave ! »
Tous en coeur, presque par jeu, reprennent cet ave que vient de leur lancer l’Empereur et certains font à nouveau le salut. Pendant le discours de l’Empereur, Ondathom, un ciboire en cuivre à la main, a fait boire aux enfants une gorgée d’un liquide rouge amer. Tous ressentent alors rapidement la même chose. La tête leur tourne. Ils ne sombrent pas dans l’inconscience, mais ils sont pris, soudainement, dans une sorte de brouillard. Les adultes constatent les effets de la drogue car les enfants s’avachissent les uns sur les autres. L’Empereur continue :
« Commandeur, portez la bannière à l’est ! »
Ajouilark prend l’étendard en question et va le placer sur le mur est de la pièce. Il représente une croix dorée avec un T blanc sur son axe qui est aussi le centre d’une étoile à six branches, formée de deux triangles, l’un de couleur rouge, l’autre bleu.
« Commandeur, portez la bannière à l’ouest ! »
Le drapeau de l’ouest est un triangle or sur un fond bleu avec une croix rouge en son centre. Samir voit ces bannières comme à travers un brouillard, mais les symboles qui y sont inscrits marqueront son esprit à tout jamais. L’Empereur lève ses bras vers le ciel et ferme les yeux pour mieux se concentrer.
« Oh vous puissants princes du Quadrilatère du feu, je vous invoque, vous que je connais par l’honorable titre et le rang des seigneurs. Écoutez nos prières, oh ! vous puissants princes qui êtes les six formes du Quadrilatère du feu et qui portez les noms de Aa-et-péo-i, Aapédoké, Adoéoéto, Anodo-i-nou, Alanoudavoda, Arinounapé. Soyez présents avec moi en ce jour. Infusez dans ces jeunes êtres (l’Empereur semble bénir les enfants) la vigueur et la pureté, vous qui êtes les maîtres des puissances élémentaires que vous contrôlez, et que ces jeunes êtres puissent rester un véritable symbole de la force intérieure et spirituelle de notre ordre. » (Ce rituel est l’un de ceux de la Golden Dawn et semble être celui auquel Samir a été le plus souvent soumis)
Samir n’entend presque plus les paroles de l’Empereur, il a l’impression de tomber, d’être pris dans un tourbillon. Tout tourne, les visages se mélangent, et c’est à peine s’il entend le commandeur déclamer :
« Les corps de ces enfants sont le pain que nous partageons. Ils cèlent nos liens et, par notre sexualité enfin libérée du joug des oppresseurs judéo-chrétiens, nous nous purifions, nous réintégrons le plans sacré des chevaliers célestes de l’ordre de l’Alliance Kripten. Le sexe et tous les plaisirs de nos sens sont la seule loi à satisfaire. Servez-vous mes frères, au nom du prince notre seigneur, et honneur à Thulé… »
Le commandeur a joint le geste à la parole et a relevé sa saie, laissant apparaître un sexe dressé. Il s’approche d’une petit fille d’environ douze ans qui sanglote depuis le début de la cérémonie. L’enfant résiste à peine à Ajouilark lorsque celui-ci l’oblige à le recevoir dans sa bouche. Déjà, des hommes et des femmes se sont écartés pour se livrer à leur jouissance, d’autres saisissent des enfants… Samir se sent palpé, retourné… puis sombre dans une sorte de coma éveillé, une insensibilité totale comme si tout cela n’était pas vrai, que son corps n’était pas son corps, comme s’il n’était qu’un observateur de cette odieuse réunion… (ndlr: état dissociatif)
Lorsque Samir rouvre les yeux, il ne reconnaît rien. Ni le lit, ni la chambre, ni les étranges tableaux qui décorent les murs. Il se lève pour regarder à la fenêtre, mais ni le jardin ni les maisons voisines qu’il peut voir ne lui sont davantage familiers. Des bruits de vaisselle lui parviennent de la pièce d’à côté, et une odeur de café chatouille bientôt ses narines. Samir a faim et il prend soudainement conscience qu’il est nu. Il cherche ses vêtements. Ils sont là, en tas, sur une chaise. En enfilant ses habits, Samir sent les douleurs de son corps se réveiller. Son ventre lui fait mal, son sexe aussi, la tête lui tourne… Le pantalon sur les genoux, il est obligé de se rasseoir. La porte s’ouvre alors sur un homme rondouillard d’une cinquantaine d’années qui lui sourit.
« Et bien mon petit, ça ne va pas ? »
Samir ne répond pas.
« Hier soir, la cérémonie t’a mis K.O. et l’Empereur a pensé que tu serais mieux chez moi pour passer la nuit… Je t’avoue que je me suis laissé faire. »
Un sourire passe sur les lèvres de l’homme, encore vêtu d’un peignoir rouge, qui reste un moment silencieux devant l’enfant recroquevillé sur lui-même.
Sources :
http://mk-polis2.eklablog.com/temoignage-de-samir-aouchiche-1997-p636069
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